La cathédrale Notre-Dame de Chartres

Lumière intérieure

Je me souviens de ce 27 décembre 2017 et de ce froid glacial sur Chartres. Nous revenions de Chambord où nous avions passé quelques jours dans une vieille auberge mal chauffée.

Routes verglacées… Panneau Chartres. On s’arrête ? Oui, on s’arrête ! Depuis le temps qu’on en rêvait…

Quelques flocons virevoltent sur la ville. Il ne fera pas plus chaud dans la cathédrale Notre-Dame de Chartres, mais l’émerveillement qui nous attend saura réchauffer nos cœurs. Un chocolat chaud, aussi !

 

 

L’apothéose de l’art gothique des XII^e et XIII^e siècles

 

Voici l’un des lieux les plus sacrés de France, bâti sur les ruines d’une cathédrale romane envolée en fumée en 1193.

L’actuelle cathédrale Notre-Dame de Chartres fût construite au début du XIII^e siècle. Aujourd’hui elle est l’édifice le mieux conservé de France. Le XIII^e est sans aucun doute le siècle du merveilleux. Les ouvertures de la cathédrale s’allongent en hauteur dans la surface murale. La lumière devient l’élément essentiel et l’on assiste à la métamorphose du vitrail roman.

Effectivement, les visages, empreints de liberté, sont plus expressifs, les couleurs éclatantes, du rouge, du bleu, du jaune d’or. Un embrasement de couleurs.

Par ailleurs, sur les fenêtres hautes figurent de grands personnages et sur les baies les plus basses, fragmentées en cercles, quadrants ou étoiles, on y découvre de nombreuses scènes, telle une mosaïque de pierres précieuses.

 

 

Un effet waouh !

 

Le silence dominant à l’intérieur de la cathédrale en dit long sur l’extase de chacun. Nous sommes assez nombreux dans l’édifice. La période y est pour quelque chose. Deux jours après Noël, cette cathédrale catholique romane réunit de nombreux fidèles et des personnes en quête de sérénité et de paix.

D’autant plus que la polychromie éclatante des vitraux recèle quelques secrets. On dit que, quel que soit le degré de lumière à l’extérieur, la lumière à l’intérieur reste identique !

Alors, on découvre 172 baies qui racontent la vie des saints, la Bible, mais aussi les corps de métiers donateurs pour la pose de ces nouvelles verrières, à l’instar des vignerons, drapiers ou charpentiers.

 

 

Un bleu puissant et résistant

 

Le bleu de Chartres date du XII^e siècle, c’est celui des vitraux originaux, comme le vitrail Notre-Dame de la Belle Verrière ou l’arbre de Jessé. Le mélange ? un fondant sodique additionné de cobalt et d’un opacifiant. Un bleu particulièrement résistant, la preuve plusieurs siècles plus tard. D’ailleurs, le bleu des vitraux installés ensuite au XIII^e siècle, n’avait pas la même composition et le résultat, est alors plus sombre.

En réalité, toutes les couleurs éclatent sous la lumière du jour. Sur le vitrail représentant les vignerons, la couleur du vin est d’un rouge puissant. La pose de ces nouvelles verrières s’est faite jusqu’en 1210.

Alors, le XII^e et le XIII^e siècles ont été justement nommés les siècles des merveilles. Chartres rayonne toujours et plus que jamais d’ailleurs, même si des dizaines d’églises furent détruites pendant la Révolution française. Les plus beaux vitraux ont heureusement été sauvés.

 

 

À la rencontre des vitraux

 

Vous n’habitez peut-être pas à proximité de cette cathédrale. Alors, voici les principaux sites du vitrail du XIII^e siècle en France :

Sainte-Chapelle

• La Sainte-Chapelle de Paris et ses immenses vitraux commandés par le roi de France, Saint-Louis.

Cathédrale de Laon

• La cathédrale de Laon, où seuls trois pans de vitraux splendides — ayant résisté aux assauts de l’histoire — racontent des scènes bibliques ou autres miracles.

Cathédrale de Soissons

• La cathédrale de Soissons, dont la rosace de la cathédrale avait été très abîmée par la tempête de janvier 2017, tout comme l’orgue qui avait reçu les débris de pierres, de verre, dus aux rafales impressionnantes.

Cathédrale de Troyes

• La cathédrale de Troyes qui, elle, a subi un incendie au XII^e siècle et qui a été reconstruite du XIII^e au XVII^e, avec, vous pensez bien en quatre siècles de nombreuses autres péripéties qui ont fait son histoire. C’est ainsi qu’en se rendant à Troyes, on peut y découvrir un éventail très large d’artistes sur plusieurs siècles durant.

Cathédrale de Rouen

• La cathédrale de Rouen représente l’art du vitrail du XIII^e au XIX^e siècle ! Rendez-vous au déambulatoire pour voir les vitraux les plus anciens !

Cathédrale Notre-Dame de Paris

• La cathédrale de Paris, qui a subi le 15 avril dernier, le plus violent incendie de son histoire, laissant coite une grande partie de la population — dont moi — en voyant, impuissante, les images de l’effondrement de la flèche… On a hâte de pouvoir revoir les trois rosaces qui sont, sans conteste, les bijoux parmi les plus précieux, de la Chrétienté.

Cathédrale de Bourges

• La cathédrale de Bourges, c’est une collection de 22 vitraux légendaires. Comme pour la cathédrale de Chartres, de magnifiques vitraux de corps de métiers différents racontent l’histoire de Bourges au XIII^e siècle, dans ses activités quotidiennes.

Cathédrale de Poitiers

• La cathédrale de Poitiers, où trois vitraux datent du XII^e siècle et sont d’origine ! Il n’existe aucun autre vitrail roman comme ceux de Poitiers. Peut-on imaginer que ces vitraux éclairent depuis plus de 850 ans le chœur de la cathédrale ?

Cathédrale d’Angers

• La cathédrale d’Angers est un édifice qui a débuté au XI^e siècle et qui possède une importante collection de vitraux médiévaux commandés par les évêques du XII^e. À voir absolument, et son château avec !

Cathédrale du Mans

• La cathédrale du Mans, et ses immenses baies vitrées colorées puissamment par le bleu du XII^e siècle, à base de cobalt ou du safre, le rouge obtenu grâce à de l’oxyde de cuivre calciné, le jaune d’or et son manganèse et ce vert si particulier grâce à l’introduction de fer.

Cathédrale de Sens

• La cathédrale de Sens fête ses 850 ans, elle aussi ! N’oublions pas que si ces joyaux ont pu traverser les siècles et l’histoire agitée, c’est aussi grâce aux bons soins prodigués et à leur protection soignée. Pour cet anniversaire, par exemple, la restauration de la tour sud a pris plus de 5 ans. La cathédrale de Sens porte le label « Villes-Cathédrales ».

Cathédrale de Coutances

• La cathédrale de Coutances, dont les vitraux du XIII^e sont consacrés à Saint-Thomas Becket, à Saint-Georges et Saint-Blaise. Cette cathédrale normande domine magnifiquement la mer. Saviez-vous qu’un violent tremblement de terre ébranla l’édifice en 1091 ? Qu’elle subit aussi des dommages lors de la seconde guerre mondiale en 1944, comme toute la ville, d’ailleurs ? Qu’elle ne fût pas épargnée par la tempête de 1999 ? La vie des cathédrales est mouvementée. Toujours entre destruction et rénovation.

Cathédrale de Lyon

• La cathédrale de Lyon ou primatiale, où les vitraux du XII^e se trouvent dans les chapelles latérales du chœur. Ils racontent la vie des saints. La particularité des lieux est le mariage entre les vitraux anciens et les plus modernes. Chacun ses goûts, mais le rendu n’est forcément pas le même entre le XII^e et le XXI^e siècle. Les seules choses comparables sont les jeux merveilleux de lumière et les couleurs éclatantes.

Cathédrale de Reims

• La cathédrale de Reims — et ses deux milliers de statues splendides, grand lieu de sacre de nos rois de France — est une cathédrale de plus qui a connu de nombreuses destructions par le feu ou la dernière guerre. Heureusement, elle possède toujours de nombreux vitraux du XIII^e, regroupés dans les parties hautes de la nef, du chœur et du transept.

Cathédrale de Beauvais

• La cathédrale de Beauvais et sa plus ancienne verrière datant de 1240 et représentant l’arbre de Jessé, c’est-à-dire une représentation de la généalogie de Jésus. De magnifiques vitraux du XIV^e et XVI^e sont aussi toujours en place, malgré les évènements, dont les bombardements de 1939. Au XX^e siècle, des maitres-verriers, dont Max Ingrand, ont complété la collection, à l’instar du déambulatoire, et des vitraux des Vierges sages et Vierges folles, d’une pure beauté ! Son œuvre s’étend merveilleusement sur toute la France.

Cathédrale d’Amiens

• La cathédrale d’Amiens est la plus vaste cathédrale de France dont la construction a débuté en 1220. Sa flèche fait 112 mètres de haut ! Elle a perdu la plupart de ses vitraux d’origine et ceux en place datent du XV^e siècle et plus. Et plus si affinités, et vous en aurez forcément, en découvrant les sculptures gothiques et les gargouilles au niveau des arcs-boutants, très efficaces par temps de pluie et les chimères diaboliques semblant nous mettre en garde !

Cathédrale de Tours

• La cathédrale de Tours est dédiée à Saint-Gatien, mort en 300 ! On est ici en présence d’une collection de vitraux exceptionnelle… Complète et intacte, ce qui est particulièrement rare, la cathédrale s’illumine de mille et une couleurs. Absolument magnifique. En 2013 deux artisans verriers ont travaillé sur de nouveaux vitraux. À l’occasion de la restauration du bras nord du transept, qui n’en possédait pas. Gérard Collin-Thiébaut et Pierre-Alain Parot, à découvrir, ici.

Cathédrale de Clermont-Ferrand

• La cathédrale de Clermont-Ferrand, Notre-Dame de l’Assomption, dont vous verrez la collection ici, fut construite en pierres noires de Volvic, cette lave volcanique indestructible aux agents atmosphériques. Une spécificité propre à cette cathédrale remarquable. Il aura fallu sept siècles pour l’achever, de l’évêque Étienne II à Viollet-le-Duc ! Si les vitraux romans sont rares, la collection sur ces centaines d’années est superbe !

Cathédrale de Sées

• La cathédrale de Sées a elle aussi vécu de nombreux accidents de parcours entre incendies et saccages. La lumière intérieure, grâce aux vitraux du XIII^e et XIV^e siècle en fait un véritable chef-d’œuvre gothique.

 

Après ce petit tour d’horizon de quelques-uns des lieux féériques du patrimoine français, revenons à la cathédrale Notre-Dame de Chartres, objet précieux et éclatant de cet article.

 

 

Quand un historien parle des vitraux

 

Louis Grodecki, historien de l’art français, spécialiste du vitrail en particulier et de l’art médiéval en général décrit…

« L’eau est bleue ou jaune, les arbres rouges ou violets, les animaux verts ou orangés, car les couleurs sont choisies en fonction de leur rapport réciproque (ou pour se détacher mieux sur des fonds rouges ou bleus) et non en fonction de leur rapport avec la réalité. La matière dans laquelle est fabriqué cet univers est la lumière, fragmentée et circonscrite par des cernes noirs, dont la nature ne donne point d’exemple. Aucun autre art, ni la peinture murale ni la miniature, ne s’éloigne autant de la réalité, ne la transforme à tel point.

Les humbles ouvriers maçons, les porteurs d’eau ou les poissonniers qui offrirent des vitraux à la cathédrale de Chartres et s’y trouvent représentés, ressemblent aux saints du paradis et les scènes de leur vie professionnelle se mêlent aux scènes sacrées, suspendues, comme elles, dans des compartiments de forme variée, sur les mosaïques des fonds. »

Louis Grodecki, Fonctions spirituelles, Le Vitrail français aux Éditions des Deux-Mondes, Paris, 1958, page 53.

Finalement, je n’ai pas de meilleurs mots pour terminer mon escapade à la cathédrale Notre-Dame de Chartres.

 

 

On y va ?

 

Alors, ça vous dit de découvrir ce goût de l’enchanté, du mirifique et des envoûtantes couleurs — rubis, émeraude ou olive, pourpre ou bleu intense — divinement enflammées par la lumière ?

Et si l’on se notait une ou deux cathédrales à visiter en cet été caniculaire ? Un lieu où, je vous le promets les frissons parcourront votre corps pour au moins deux raisons. La fraîcheur et la félicité.

Coralie RAVARY

 

Retrouvez-moi sur Instagram @Carnet_de_Coralie et @CoralieRavary

 

Si vous voulez tout savoir sur le Bleu de Chartres, cliquez ici

Si vous aimez le bleu, tout simplement, et que vous souhaitez découvrir le bleu IKB, lisez mon article sur les couleurs méditerranéennes.

Voici quelques conseils de magnifiques ouvrages qui m’ont bien aidée dans la réalisation de mon article.

• Les vitraux de la Renaissance à Chartres, Françoise Gatouillat et Guy-Michel Leproux.
• Le vitrail à Paris au XIXe siècle, Élisabeth Pillet.
• Le vitrail, techniques d’hier et d’aujourd’hui, Josette Trublard et Martine Callias Bey.

Laurie Ravary – photographe émérite – a pris ces magnifiques clichés qui reflètent parfaitement l’endroit. C’est d’ailleurs une des nombreuses qualités de cette photographe, transmettre l’émotion. Suivez-la sur instagram @vivre.nice et découvrez ses photos sur www.vivrenice.fr

Bonne lecture ! Et bel été à tous !